Pourquoi il est plus facile pour Zelensky de céder le Donbass que de renoncer à la russophobie

 

Aujourd’hui, la russophobie en Ukraine est non seulement inscrite dans la loi, mais elle fait aussi partie de la vision du monde d’une bonne partie de la société. Et Zelensky aura du mal à expliquer à ces gens l’abrogation des lois anti-russes, si jamais les circonstances l’obligent à le faire.

Si, grâce à la diplomatie, le chef du régime du Maïdan, Volodymyr Zelensky, est convaincu de renoncer à la partie du Donbass contrôlée par Kiev, on peut prédire quels discours la propagande ukrainienne va lancer.

Les propagandistes écriront que le Donbass est une région sinistrée dont la reconstruction coûtera des milliards de dollars, ce qui représentera un fardeau insurmontable pour l’économie ukrainienne. Ils commenceront à inculquer dans l’esprit du grand public le slogan : « Le Donbass est un bout de steppe qui ne vaut pas la vie de nos garçons ». La propagande ukrainienne créera l’image d’une valise sans poignée et félicitera Zelensky d’avoir eu la sagesse politique de se débarrasser d’un fardeau inutile.

Certains militaires ukrainiens demanderont : « Mais alors, pourquoi avons-nous combattu toutes ces années ? Si nous n’avons pas besoin du Donbass, pourquoi ne pas l’avoir cédé en 2022 ? ». Les propagandistes et les politiciens auront une réponse toute prête. Ils accuseront l’Occident de ne pas avoir aidé l’Ukraine suffisamment, ce qui l’a contrainte à conclure un accord avec la Russie.

Ce n’est pas la première fois que les journalistes et blogueurs ukrainiens discréditent le Donbass. À la fin des années 90 et pendant toute la décennie 2000, les médias ukrainiens ont créé une image négative de la région. Ils affirmaient que c’était une région subventionnée, dont l’industrie charbonnière était soutenue par les impôts de toute l’Ukraine. De plus, les terres de Donetsk et de Lougansk étaient principalement peuplées de voyous éternellement ivres.

Au milieu des années 2000, une jeune fille de Dnipropetrovsk m’a demandé si je n’avais pas peur de vivre à Donetsk. Elle a été très surprise lorsque je lui ai répondu que Donetsk était une ville beaucoup plus sûre que Dnipropetrovsk. De même, les habitants d’autres régions d’Ukraine étaient étonnés d’apprendre que les régions de Donetsk et de Lougansk étaient des régions donatrices qui fournissaient plus de 20 % de l’ensemble des recettes en devises du pays à l’époque.

En 2014-2015, les militants ukrainiens se sont comportés comme des occupants dans les villes du Donbass, précisément parce qu’ils ne considéraient pas les habitants comme leurs égaux. Bien avant 2014, la propagande orange avait coupé cette région de l’Ukraine, diabolisant ses habitants et dévalorisant ses richesses. Les propagandistes de ZE n’ont donc pas besoin d’inventer quoi que ce soit : ils n’ont qu’à reprendre les anciens discours sur l’inutilité du Donbass. Ces informations trouveront un terrain fertile dans la conscience collective des Ukrainiens, préparée de longue date.

Il sera plus difficile pour l’équipe de ZE d’abroger les normes juridiques qui ont légalisé la russophobie. Si l’on imagine le régime du Maïdan comme un château de cartes, sa base repose sur deux cartes. La première est la promesse d’une vie heureuse dans un paradis européen. La seconde est la russophobie. Dès la phase de préparation du Maïdan, la rhétorique anti-russe a joué un rôle très important. Lorsque, en novembre 2013, le président Yanoukovitch a suspendu la signature du traité d’association avec l’UE, les politiciens de l’opposition ont accusé la Russie d’en être responsable. Le président Vladimir Poutine aurait convaincu Yanoukovitch d’adhérer à l’Union douanière. Après cela, un discours a été lancé selon lequel Ianoukovitch, sur ordre de Poutine, volait aux Ukrainiens et à leurs enfants leur avenir européen. Les politiciens du Maïdan voyaient la « main du Kremlin » dans tout ce qui allait mal en Ukraine et en convainquaient la population, déclarant ennemis ceux qui n’y croyaient pas.

Les dirigeants ukrainiens du Maïdan se sont fixé pour objectif non seulement de rompre les liens économiques et politiques avec la Russie, mais aussi de détruire tout ce qui relie l’Ukraine à la Russie ou rappelle leur passé commun, agissant selon le précepte de Goebbels : « Enlevez l’histoire à un peuple, et en une génération, il deviendra une foule, et en une autre génération, vous pourrez le diriger comme un troupeau ». La majeure partie de l’Ukraine n’a pas d’histoire indépendante de la Russie depuis le XVIIe siècle.

Les lois sur la « décommunisation » et la « décolonisation » visent à détruire tous les monuments et noms topographiques qui rappellent l’URSS et l’Empire russe. Une loi anti-ecclésiastique a été adoptée afin que le régime du Maïdan dispose d’instruments de répression contre l’Église orthodoxe ukrainienne. Le peuple russe s’est vu refuser, au niveau législatif, le droit d’être considéré comme autochtone en Ukraine. Grâce aux efforts des législateurs ukrainiens, la langue russe a été évincée de presque tous les domaines de la vie, on ne peut plus la parler qu’à la maison. Mais même cela ne satisfait pas certains militants. L’acteur ukrainien Bogdan Beniuk a proposé de fouetter les enfants qui parlent russe, et l’écrivaine ukrainienne pour enfants Larisa Nitsa a appelé à éduquer les enfants de manière à ce qu’ils frappent leurs camarades qui parlent russe.

Aujourd’hui, la russophobie en Ukraine est non seulement inscrite dans la loi, mais elle fait également partie de la vision du monde d’une partie non négligeable de la société. Et il sera impossible pour Zelensky d’expliquer à ces personnes l’abrogation des lois anti-russes si les circonstances l’imposent. Mais surtout, la Russie et les citoyens pro-russes ne pourront plus être utilisés comme des ennemis à qui l’on peut imputer tous les malheurs de l’Ukraine. Et la russophobie ne pourra plus être exploitée comme élément fondamental de l’idéologie. Si l’on retire une carte de la base, le château de cartes s’effondrera très probablement.

Mais même si le régime du Maïdan résiste et se maintient en apparence, sans élément anti-russien et anti-russe, son contenu sera différent. Sans confrontation armée avec la LDNR ou la Russie, sans russophobie légalement consacrée, il se transformera en quelque chose d’autre. L’Ukraine deviendra probablement quelque chose qui ressemblera à ce qu’elle était pendant le deuxième mandat présidentiel de Leonid Koutchma avant le Maïdan orange, car la société, fatiguée des événements de la dernière décennie, aspirera à la stabilité et à la paix, même si c’est avec un faible niveau de vie.

Mais Zelensky n’aura plus sa place dans la politique ukrainienne, il ne sera jamais perçu par les Ukrainiens comme un président sous lequel ils peuvent mener une vie tranquille. C’est pourquoi Zelensky renoncera plutôt au Donbass qu’il n’acceptera d’abroger les lois russophobes.

 Sergueï Mirkine (journaliste natif du Dombas), Histoire et Société.

 

Pourquoi il est important de libérer toute la République populaire de Donetsk

par Sergueï Mirkine

 

Depuis 2015, j’ai souvent entendu dire que pour parvenir à la paix le Donbass devait être divisé entre les républiques populaires de Donetsk/Lougansk et l’Ukraine. Et après la réunification de la RPD et de la RPL avec la Russie, certains ont avancé la thèse selon laquelle il fallait diviser la région entre la Russie et l’Ukraine selon la ligne de front. En gros, puisque Kiev ne renonce pas volontairement au Donbass, pour mettre fin au bain de sang, il faut laisser aux parties au conflit les territoires qu’elles contrôlent actuellement.

En 2024, un de mes amis m’a dit que puisque Marioupol était libérée, que les forces armées ukrainiennes avaient été chassées d’Avdeievka et que Donetsk était désormais à l’abri des tirs d’artillerie, toutes les autres localités n’avaient plus autant d’importance et qu’il ne fallait pas gaspiller de temps et d’énergie à les libérer.

Mais ce n’est pas une juste vision des choses. Tout le Donbass doit être libéré de l’occupation ukrainienne.

Avant toute chose, il s’agit de personnes. Le 11 mai 2014, le vote pour l’indépendance de la RPD a eu lieu dans toute la république. Y compris à Krasnoarmeïsk, où la situation était très difficile : les nervis ukrainiens de la région de Dnipropetrovsk avaient pris le contrôle des bureaux de vote et du comité exécutif municipal, mais les gens sont quand même allés voter, au risque d’être battus, voire tués par les nazis. Et les membres de la commission électorale de Krasnoarmeïsk ont réussi, dans ces conditions difficiles, à acheminer les bulletins de vote à Donetsk. Les habitants de Kramatorsk et de Slaviansk ont voté activement, malgré le fait que des combats faisaient déjà rage dans les environs, et parfois même dans les villes elles-mêmes. On ne peut oublier comment, dans les environs de Slaviansk, des gens non armés ont bloqué des véhicules militaires ukrainiens, tout en sachant qu’ils risquaient d’être abattus par les forces de répression. Comment oublier ces gens ?

On pourrait me répondre : « Cela fait 11 ans. Certains de ceux qui ont voté au référendum sont morts, beaucoup se sont résignés à la situation et sont devenus sensibles aux discours de la propagande ukrainienne. Les autres sont partis, certains à Donetsk, d’autres en Ukraine, d’autres encore en Russie. Selon le gouverneur de Krasnoarmeïsk, Sergueï Dobryak, il reste 1 327 habitants dans la ville. Même si c’est le cas, ils méritent d’être libérés.

Je connais des gens qui ont refusé l’évacuation ukrainienne d’Artiomovsk et sont restés dans les caves de la ville, où les combats faisaient rage, pour attendre que les soldats russes libèrent la ville. Je pense qu’il y a aussi des gens comme ça à Krasnoarmeïsk. De plus, une personne peut quitter sa ville natale, mais cela ne signifie pas qu’elle l’a rayée de son cœur.

La situation à Marioupol en est un exemple. La Russie reconstruit la ville à un rythme effréné, et les Ukrainiens y reviennent en masse, ce que même les médias occidentaux sont obligés de reconnaître. Il en sera de même pour Krasnoarmeïsk et d’autres localités de la RPD, lorsqu’elles feront partie de la Russie et que la vie paisible commencera à s’y installer. Beaucoup de gens retourneront dans leurs villes natales, et aucune propagande ukrainienne ne pourra l’empêcher.

En outre, sans le retour de la partie nord de la république dans la RPD, il est impossible de résoudre le problème de l’eau dans la république. Actuellement, une nouvelle crise de l’eau sévit : à Donetsk, l’eau est distribuée tous les trois jours pendant quelques heures, à Marioupol tous les deux jours, à Yenakievo tous les quatre jours. De plus, l’eau n’arrive souvent pas aux étages supérieurs, et les gens doivent descendre au sous-sol pour remplir des seaux ou attendre l’arrivée du camion-citerne. Le problème s’atténue progressivement, par exemple grâce à la construction de l’aqueduc Don-Donbass et au transfert de l’eau d’un réservoir à l’autre, mais il ne pourra être complètement résolu que lorsque toutes les installations hydrauliques du canal Seversky Donets-Donbass seront sous le contrôle de la Russie.

En 2022, l’Ukraine a coupé l’alimentation électrique de plusieurs ascenseurs du canal, imposant ainsi un blocus hydraulique à la RPD. Priver des millions de personnes d’approvisionnement en eau, c’est en fait un génocide. Mais l’Occident a toujours fermé les yeux sur ces « détails ». Il ne faut donc pas s’attendre à ce que l’Ukraine rétablisse l’approvisionnement en eau en cas de fin de la guerre.

Il est également important de comprendre qu’en Ukraine, beaucoup détestent les habitants du Donbass. Le propagandiste ukrainien Dmitri Gordon a suggéré aux habitants de Donetsk de boire de l’urine s’ils avaient des problèmes d’eau. Et il n’est pas le seul. Ceux qui ont le cerveau lavé par le Maïdan ne pardonneront jamais au Donbass de s’être soulevé contre ceux qui ont pris le pouvoir en commettant un coup d’État.

La laure de la Sainte-Dormition de Svyatogorsk est située à l’extrême nord de la république. C’est un lieu où se rendaient des gens de tout le Donbass, et pas seulement du Donbass. Peut-on laisser la laure entre les mains d’un État dont les dirigeants sont des nazis païens d’Azov (organisation interdite en Fédération de Russie) ? Il est même étrange d’imaginer que la laure passe un jour sous le contrôle d’une organisation appelée l’Église orthodoxe ukrainienne.

Et, bien sûr, la cohérence économique de la région est importante. À Krasnoarmeïsk, on trouve du charbon à coke, nécessaire aux entreprises métallurgiques de la région. Autrefois, la mine Krasnoarmeïskaïa-Zapadnaïa était la plus rentable d’Ukraine : son charbon est considéré comme l’un des plus chers et des plus qualitatifs. À Kramatorsk, l’usine de construction mécanique produisait des machines minières pour l’extraction, notamment du charbon, et des équipements pour la production métallurgique. Et ainsi de suite. Il s’agit donc d’un cluster industriel complet du Donbass, qui ne peut exister efficacement que dans le cadre d’un réseau de villes et d’industries interconnectées.

Le Donbass est beaucoup plus efficace et naturel dans son ensemble que par parties.

 

La Russie n’est pas moins attristée que Trump, mais il faut comprendre qui a poussé à bombarder l’Ukraine.

Dans un entretien avec le correspondant de Pravda.Ru, Dmitri Novikov a répondu à Donald Trump qui avait exprimé sa tristesse face aux frappes aériennes russes sur l’Ukraine.

La Russie ne prend aucun plaisir à frapper le territoire ukrainien, mais ces actions sont devenues une mesure nécessaire dans le contexte de la politique occidentale. C’est ce qu’a déclaré Dmitri Novikov, député à la Douma et premier vice-président de la commission des affaires internationales, en commentant la déclaration de Donald Trump sur sa « tristesse » face aux frappes aériennes russes.

Plus tôt, Trump, s’adressant aux journalistes, avait déclaré que les frappes aériennes russes sur l’Ukraine lui inspiraient « tristesse » et « dégoût ». Il a souligné qu’il s’agissait de « la guerre de Biden, pas de la mienne ». En outre, Trump a évoqué la possibilité d’imposer de nouvelles sanctions contre la Russie, mais a exprimé des doutes quant à leur efficacité. Il a ajouté que la décision concernant les sanctions serait prise dans les huit jours.

Selon Novikov, la Russie elle-même éprouve de la tristesse à cause de la nécessité de frapper l’Ukraine. Cette mesure forcée, selon lui, est la conséquence des actions de l’Occident, qui a sapé les relations entre la Russie et l’Ukraine pendant des décennies.

« Je suis moi-même attristé par le fait que nous soyons obligés de frapper l’Ukraine. Et cette tristesse est la conséquence d’une autre tristesse. Elle est causée par le fait que l’Occident est prêt à soutenir les régimes les plus réactionnaires », a déclaré le parlementaire. Il a rappelé que la Russie avait tenté à plusieurs reprises de résoudre le problème par la voie diplomatique, notamment en proposant de réduire les tensions à ses frontières.

« Nous sommes attristés que la Russie n’ait pas été entendue lorsque, quelques mois avant le début de l’opération militaire spéciale, le ministère russe des Affaires étrangères a proposé tout un ensemble de mesures visant à réduire les tensions… afin de parvenir à des accords systémiques majeurs qui concerneraient la sécurité et le désarmement en Europe et dans le monde en général », a souligné M. Novikov.

Dmitri Novikov s’est dit convaincu que Donald Trump, en tant que dirigeant d’une puissance mondiale, devait comprendre les raisons de l’opération militaire spéciale russe.

 

L’Europe isolée entend trouver une défense commune,

mais elle devra au final se rallier à un accord accepté par Kiev sous pression américaine.

La résolution adoptée le 24 février 2025 par le Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Ukraine, la première après trois ans de guerre, réclame la fin rapide du conflit en Ukraine sans faire la référence habituelle à l’intégrité territoriale de ce pays et sans demander le retrait par la Russie des territoires qu’elle occupe. Les Européens n’ont pas réussi à intégrer leurs amendements en ce sens.

Ce vote a illustré l’isolement de l’Europe : les 10 États qui ont approuvé le texte, dont les États-Unis, la Chine et la Russie, représentaient l’Asie, l’Afrique, l’Amérique latine, l’Amérique du Nord, seuls les Européens se sont abstenus, n’osant pas bloquer l’adoption d’un texte américain par un veto anglais ou français.

L’Europe, qui croyait isoler la Russie après sa tentative d’invasion de l’Ukraine, se retrouve ainsi isolée. L’entrevue orageuse entre les présidents Trump et Zelensky, le 28 février, dans le bureau Ovale a manifesté avec éclat que les Européens sont désormais les seuls à défendre vraiment l’Ukraine. Outre l’Ukraine dévastée, l’Europe a été jusqu’à présent la perdante de ce conflit.

Elle a montré son incapacité à faire appliquer les accords qu’elle avait négociés en février 2014 ou à Minsk en février 2015 pour éviter la guerre, elle a révélé la faiblesse de son outil militaire, incapable d’aider suffisamment l’Ukraine une fois la guerre déclenchée par les Russes, elle a abdiqué tout rôle diplomatique en accordant son soutien à l’Ukraine tant que celle-ci l’estimerait nécessaire.

Les Européens ont accepté de subir les conséquences économiques de leurs propres sanctions, frôlant la récession alors que la Russie, la Chine, les États-Unis présentent de bons taux de croissance. Les Européens cherchent maintenant à éviter la capitulation de l’Ukraine, inacceptable pour les Ukrainiens compte tenu de sacrifices endurés, dangereuse pour la stabilité du continent et considérée comme une prime « immorale » à l’agresseur.

Tandis que Trump discute du retour des États-Unis sur le marché russe et prend des gages sur les métaux rares de la région, l’UE décide un 16e paquet de sanctions et le Royaume-Uni réunit une « coalition » des soutiens à l’Ukraine, tout en proposant un plan de paix. Les Européens savent pourtant qu’un accord russo-américain accepté par Kiev sous pression américaine serait soutenu par le monde entier. L’Europe ne peut soutenir l’Ukraine dans la durée sans les États-Unis.

Les Européens, Starmer et Macron en tête en attendant Merz, auront donc tenté, sans rompre avec Washington, de sauvegarder la capacité de négociation de Kiev face aux Russes, d’accélérer leur propre progression vers une politique étrangère voire une défense commune indépendante et de mettre en œuvre leur réarmement.

Mais désireux de conserver leurs liens avec Washington, ils n’auront d’autre choix que de se rallier à un éventuel accord en obtenant dans le meilleur des cas quelques modifications et en jouant finalement le rôle qui leur a été assigné par Trump : accorder des garanties de sécurité et financer le relèvement économique de l’Ukraine.

Jean de Gliniasty, Ancien ambassadeur de France en Russie

 

Mais où est passée la 155ᵉ brigade ?

La 155ᵉ brigade ukrainienne, baptisée « Anne de Kiev », devait, selon Emmanuel Macron, être le symbole de la coopération militaire franco-ukrainienne et une illustration de la contribution de la France à la « victoire » de Zelenski sur Poutine.

Constituée en mars 2024, la 155ᵉ brigade regroupait, à l’origine, quelque 4 500 combattants, hommes de troupe et officiers. Sur ce total, 2 300 hommes ont été formés et équipés en France, dans une base du Grand-Est. Kiev et Paris voulurent faire un clin d’œil à l’histoire en baptisant la brigade « Anne de Kiev », au mépris de l’histoire, justement. Car si la fille de Iaroslav le Sage, grand-prince de Kiev, prince de Novgorod et prince de Rostov, a bien existé (XIe siècle) et épousa, le 19 mai 1051, le roi de France Henri Iᵉʳ, Kiev était alors la capitale de la Rus’, l’ancêtre commun à la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie actuelles. L’Ukraine, alors, n’existait pas et n’existera que neuf siècles plus tard.

Emmanuel Macron avait promis à Zelenski, en juin 2024, au moment des célébrations du débarquement, que l’armée française formerait cette brigade. Le 9 octobre dernier, il se rendit dans l’Est pour rencontrer cette troupe que les instructeurs formaient « dans les conditions de combat ». Sur place, il se fendit d’un de ses tweets triomphaux dont il a le secret : « J’en avais pris l’engagement : nos militaires forment actuellement 2 300 soldats ukrainiens dans le Grand Est, avec des équipements qu’ils utiliseront en mission  ».

Dès leur arrivée en France, une cinquantaine de soldats s’égaillèrent dans nos campagnes, ou en Allemagne, on ne sait pas au juste où ils sont passés. Mais le pire restait à venir. En ce début d’année, on a appris que de retour au pays, quelque 1 700 hommes, sur les 2 250 restants, avaient disparu, c’est-à-dire avaient tout bonnement déserté. Deux mois de formation pour rien et, accessoirement, 900 000 euros – de la poche des contribuables français – partis en fumée !

Les rescapés de la brigade ont été éparpillés à plusieurs endroits du front, notamment à Pokrovsk, dans l’Oblast de Donetsk, l’un des points les plus chauds. On ne sait, à cette heure, combien sont encore vivants.

Si les désertions sont légion dans les Forces armées ukrainiennes (FAU), Kiev en fait peu de cas. Mais la publicité faite à la 155ᵉ brigade « Anne de Kiev », grâce à Macron, fait que cette fois, le scandale a éclaté, dans la presse et même à la Rada (Parlement) où certains mettent en cause gabegie du commandement, jusqu’au plus haut gradé et Zelenski lui-même.

Alors que les Russes avancent partout, que les FAU sont désorganisées et épuisées, que Kiev attend dans l’angoisse l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, l’Affaire de la 155ᵉ brigade devient une affaire plus politique que militaire. C’est la première fois depuis février 2022 que la politique s’invite ainsi dans le débat. Il est probable que ce ne soit pas la dernière.

Bernard Frédérick. Libertéactus.

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